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LA REINE GARÇON ANYWAYS

« Mais les gens différents sont souvent les penseurs, les bâtisseurs, les sensibles, ceux qui solidifient l’édifice de la société en y engageant leurs idées, leur art, leur vision ; Sans eux, nous sommes morts. » Xavier Dolan

Il y a les éclipses. Le mouvement des planètes. L’univers en deçà de nous. Rotation intérieure.

Une pochette. Un visage. Une peinture de Anne-Sophie Tschiegg. De la couleur. Sur un même visage la dualité. Des couches. Rajouter. Retirer. Une explosion visuelle mais douce. Une harmonie, une rencontre.

Une ouverture sur un monde. Et puis les mots. Trois mots. La reine garçon. L’Artwork de Bénédicte Villechange qui les relie. Lié. Ces mots entendus, répétés, lus, dans un magazine, pour le titre d’un film de Mika Kaurismaki. Décider que c’est ça.

Après Verone et trois albums, la vie rattrape Fabien. Qui est-il ? Qu’est-ce qui le remue ? C’est quoi ce trouble, cette part féminine ? Le reflet dans la glace. Après des moments submergés par l’incompréhension « J’emmerdais tout le monde avec mes frustrations, je suis passé par des périodes délicates, j’étais pas sympa, parfois méchant, j’avais mal en moi... ». Laisser alors advenir qui il est. Faire de l’intérieur, l’extérieur. « je suis un mec et une part en moi est très féminine. »

Photo Guendalina Flamini

« C’est une révolte ? Non sire, c’est une révolution.  » Laurence Anyways film de Xavier Dolan.

Dans La reine garçon. Il y aussi Delphine. Et l’annonce de Fabien. Ecouter les mots. Les accueillir. Elle et lui, une longue histoire d’amour. « On est en couple depuis longtemps. Notre relation est au-delà de la musique mais comment aller ailleurs ? « .

Cet ailleurs se résume en neuf chansons. « Tu es la fille que je voulais être » ouvre le périple. Introspection. « L’approche musicale est très simple, pas cérébrale. Je sifflote, je laisse venir les choses, pas beaucoup de retouches pour les textes. En tirant différents fils, j’en arrive à l’essentiel, c’est épuré…et assez imagé… »

La première vidéo tiré de cet album L’île a été réalisé en film Super8 par Jean Decré.

L’eau est un élément très présent dans les textes. « Nous partons souvent en vacances sur des îles…D’ailleurs cet album est né en Grèce, entouré par cette mythologie, cette nature… ». 

« Mon amour à la mer » pourrait être le titre d’un film d’Eric Rohmer. Romance désabusée  » A la fin abandonne / Je ne suis plus amoureux. »

Delphine, plus à l’écart lors de l’entretien, définit cette nouvelle aventure musicale comme « boxer tous les deux« .  Delphine avait un oncle qui jouait de la guitare et elle était fascinée. D’ailleurs c’est autour d’une guitare, quand ils avaient dix-neuf ans, qu’ils se sont rencontrés. Fabien jouait dans un groupe comme guitariste. Lorsque le groupe faisait un break et allait boire des bières, lui restait à jouer et chanter. Delphine alors, deuxième guitare, trouvait beaucoup plus intéressant ce qu’il faisait que le groupe. D’où la proposition : « Montons un groupe tous les deux… ».

Fabien a apprit seul en écoutant les Beatles sur des cassettes audio. Plus sérieuse Delphine a pris des cours et maîtrise parfaitement le picking. La voix de Delphine apporte un contrepoint à celle de Fabien mais chanter ce n’était pas dans sa nature, ce n’était pas évident, elle y a pris goût petit à petit. Par ailleurs elle chantait très peu pour Verone. « C’est comme une surprise de savoir que nos deux voix allaient si bien ensemble. »

La force de ce projet se sont les harmonies vocales, que Fabien avait déjà expérimentées dans un autre duo avec Sammy Decoster, Facteurs chevaux. Inspiré par les chansons américaines des sixties, toujours plusieurs voix toujours harmoniser…

Il y a dans l’enregistrement de ces neuf titres, quelque chose de très naturel, une sonorité claire, réalisé par Jean-Baptiste Brunhes qui auparavant a travaillé avec Bertrand Belin et Miossec… « Il a été extrêmement patient. On a enregistré comme en live, en prise directe, ensuite il y a tout un travail sur le mixage, mais la base est vivante. »

La singularité de ce duo sera aussi de se déplacer et de jouer dans des lieux inédits et insolites : des musées, devant des grottes, au milieu d’une forêt, dans des chapelles… »Il faut qu’on trouve un sens à ce que l’on fait, franchement rien ne ressemble plus une salle de concert qu’une autre salle de concert…Il faut trouver des chemins de traverseet j’aime me souvenir de ces ambiances magiques« .

Fabien défend l’idée de vrais projets et d’indépendance de production grâce à leur label La Grange aux belles. Faire des choix esthétiques qui sont clivants. « Un projet qui plaît à tout le monde je me méfie... » Pour Delphine, l’aventure La reine garçon, est ce que décrit Bob Dylan « qui parle d’un chemin que tu empruntes qui est plus important que le lieu d’arrivée. »

Et la force d’un morceau tel que Accepte-toi « Est-ce une larme qui coule dans tes yeux? Est-ce bien toi, tu cachais bien ton jeu? Oui tu as bien le droit. »

Il faut que je t’aime comme je suisLaurence Anyways / Xavier Dolan

La reine garçon, fait partie du cercle d’oeuvres d’art qui sans détour transfigure la réalité. Nous donne à voir et à entendre un autre rêve. D’une oeuvre à une autre.

La reine garçon ? La reine garçon anyways !

Photo Guendalina Flamini

Fabien Heck