Musique

MAGON – DIASPORA DES EMOTIONS

Alon le créateur de Magon semble sortir d’une bande dessinée, un personnage farfelu, avec sa coupe de cheveux qui parfois lui recouvre presque le visage ou d’un clip du réalisateur Tim Pope, celui qui a fait de Robert Smith un pantin lunaire. 

Israélien, il vit en France, chante en anglais et parle parfaitement français. 

Quand je le rencontre chez lui, à Paris dans le vingtième arrondissement, sa compagne Alexa tient dans ses bras Jackie leur nouveau née, qui recouvrira l’interview de ses babillages.

Alon est d’origine juive et ce n’est pas rien. Une histoire de Diaspora. Son père est né en Irak à Bagdad. Dans les années 50 il y a eu une terrible répression. Ils n’ont pas eu d’autre choix que de quitter le pays. Son père avait alors le même âge que son enfant Jackie, c’est à dire qu’il était bébé. 

Direction Israël. Quand ils sont arrivés, ils ont vécu dans des camps de réfugiés, sous des tentes. Son père vient d’une famille religieuse. Il a un grand-père rabbin. Son père deviendra militaire de carrière et rencontrera sa femme (de famille irakienne mais née en Israël)  pendant qu’elle fait son service militaire. Alon est né en avril 1985 à Tel-Aviv. Il aura une petite sœur et un grand frère qui lui fera écouter des disques de Nirvana, des disques de métal.

Ses parents pour les longs trajets en voiture écoutaient surtout de la musique populaire chantée en hébreu (même s’il arrivait à son père d’écouter Simon and Garfunkel ou Elvis Presley). Alors qu’il doit partir en vacances avec eux, Alon leur fixe un ultimatum. Sil doit en écouter pendant tout le trajet en voiture, il ne viendra pas.

Il n’imaginait pas adolescent qu’on puisse vivre de la musique. Surtout dans une famille où son père et son grand frère sont militaires. A douze ans sa mère lui achète une guitare. Il va prendre quelques cours avec un prof puis ensuite il apprendra tout seul.

 Au collège il y avait une scène ouverte. Mais on ne le laisse pas jouer, du coup, il se trouve une place dans un couloir et il joue avec son ampli et sa guitare. Des collégiens s’arrêtent, écoutent, le félicitent et il se découvre alors une grande confiance en lui. 

Sa scolarité par contre est un désastre : il change de nombreuses fois d’établissements, il ne veut plus aller à l’école…Il voulait être le meilleur et en fait il était le pire…Malgré sa mère prof et son père militaire ils n’ont aucun contrôle sur lui. Pourtant il ne fumait pas, ne buvait pas, ne se droguait pas. Il restait à la maison à réfléchir, à parler avec ses copains et écouter de la musique. Dans son for intérieur il trouvait que le système était mauvais, enfin, il n’était pas fait pour lui. 

En Israël à dix-huit pour les hommes et les femmes c’est le service militaire. Pendant trois ans…Il décide alors de montrer à ses parents qu’il peut réussir quelque chose. Je disais en préambule qu’il semblait sortir d’une bande dessinée ; il pourrait tout aussi bien sortir d’un film des frères Cohen, avec ses contradictions, ses paradoxes, son côté farfelu. Donc il va faire l’armée, rester dans un bureau en attendant que le temps passe ? Non! Il va intégrer un commando, une unité spéciale. Il y a un test et c’est très sélectif, très dur psychologiquement et physiquement. Sur les 400 personnes présentes seulement vingt seront sélectionnées. Dont lui.  « C’était comme un fantasme, j’avais l’impression d’être comme dans un film, avec les entraînements, les situations extrêmes… Full metal jacket. » 

Mais au bout d’un an, lors d’une fin de stage : « une grosse fête est organisée, alcool en grande quantité, on nous a forcé à boire et on était pas habitués…l’un de mes camarades ne s’est pas réveillé… ». Pour lui désormais il y a quelque chose de brisé, à nouveau des problèmes de caractères, il ne supporte plus l’autorité, il est complètement perturbé. Pour quitter l’armée c’était soit la prison ou être réformé. Il sera réformé…

Donc retour à la case départ chez ses parents. Ayant vu sa force de volonté quand il le décidait, ses parents ont donc accepté cette réalité, son désir de faire de la musique…Il va tout d’abord faire de la photo, quelques petits films puis retour à la musique. 

Il va avoir un petit Home studio avec des copains, essaye l’électronique. Il n’avait pas de carte son pour enregistrer. Il commence alors à faire circuler sa musique sur MySpace entre 2006 et 2007. Les morceaux se baladent à travers le monde et touchent plus particulièrement une femme française qui l’invite à venir en France pour faire de la musique ensemble. Il arrive en France en 2009, début d’une histoire d’amour, création du duo Charlotte & Magon : pop jubilatoire, sautillante, quelque part entre Kate Bush et The Kills.

La question se pose de retourner en Israël mais il se rend compte qu’il y a  plus de potentiel en France. Cette histoire d’amour et de musique va durer dix ans, laisser des chansons entêtantes et des clips savoureux. En 2018 c’est la séparation…avec un album LYRICAL MIRACLE.

Continuer en solo donc, Charlotte et Magon sont dans un bateau… Le bateau coule il reste…Magon… En 2019 premier album : Out in the dark. Naissance d’un son surfant autour des Beach boys percutant les Jesus and the Mary chain sous le regard acidulé de Lou Reed

Toujours aussi fascinant la vie des groupes… Pour partir en live il faut des musiciens. Trois seront recrutés. Mais au fur et à mesure de la tournée, des grosses tensions apparaissent, notamment lors d’une date en Belgique. A Nantes c’est l’explosion… Le deuxième guitariste et le bassiste quittent la tournée quelques heures avant de jouer…les deux quittent le navire en emportant leur matériel (batterie et amplis…). Le concert aura lieu quand même. On leur prêtera du matériel pour le reste de la tournée et la version The white stripes, guitare (Magon) et batterie (Ferdinand) sera la formule jusqu’à la fin de la tournée.

Ferdinand / Batterie – Photo Christian Lambin

A la fin de ce fameux concert à Nantes un musicien prénommé Guillaume, vient lui dire tout le bien qu’il a pensé du concert et lui propose ses services comme bassiste ! Il intégrera la nouvelle formule live pour le nouvel album  Hour after hour sur l’excellent label December square.

Les thèmes sont un mélange de ce qui se passe dans le monde et sa vie personnelle… Psychédélisme, larsen, balade pop et univers sentimental, l’un des titres Aerodynamic, mélange toutes ses influences. Un zeste de Pixies.

Guillaume / Basse – Photo Christian Lambin

Pour l’accompagner, à la deuxième guitare, sautillante et mutine, Ingrid.

Magon et Ingrid – Photo Christian Lambin

Le groupe est prêt à conquérir le monde, dans la lignée d’un Mac Demarco, la consécration est proche.

SZAMANKA