BlogMusique

INDOLORE – LA PLUIE PEUT ATTENDRE

« Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d’amour et d’espoir. » Marc Chagall

C’est sûrement le single le plus fun d’après confinement. Let the sun come.

Quelque chose d’abstrait, de naïf, comme une peinture de Marc Chagall, en apparence. Plus complexe et vibrant si on regarde les détails…

Guillaume le chanteur-compositeur d’Indolore a grandit dans les Landes. Son grand frère lui fait découvrir les Beatles, Police – les classiques diront nous – De lui-même il ira vers les chansons les plus pop des années 80 : Daniel Balavoine sera l’une de ses idoles…mais sans la coupe de cheveux…

Pour l’anniversaire de son père, quand il a 17 ans, il se dit qu’il va acheter un cadeau de « vieux ». Dans un supermarché de Bayonne il trouve une cassette de Charlie Parker. Il pense que le jazz est approprié pour ce genre de choix. Sur la route du retour, dans la voiture de sa mère, c’est LA révélation. La cassette tourne dans l’auto-radio, il est transpercé. Touché au coeur. Alors que ses copains sont dans le futur, lui retourne dans le passé du jazz. Il apprend alors à jouer du saxophone en écoutant les disques.

A 25 ans il quitte le Sud-ouest pour Paris. Direction les clubs de jazz. Les mythiques : Le duc des Lombards, Le baiser salé… Il va créer un quartet qui durera cinq ans. A 30 ans il ressent l’envie d’écrire des chansons. Il change d’univers, écoute de la musique électronique, rencontre une chanteuse et monte le groupe Shine, orienté trip-hop, qui sera aussi découvert sur Myspace par Morcheeba.

Ils feront quelques premières parties et iront au SXSW festival dans le Texas… Le groupe durera dix ans, sortira trois albums. Durant cette période il fait une autre rencontre incroyable. Affalé dans son canapé, la télécommande à la main, il zappe. Sa conscience lui ordonne d’aller au lit mais son intuition lui suggère de se lever, d’aller chercher une bière dans son frigo, de revenir dans son canapé moelleux et de mettre le canal Arte. Révélation. Concert mythique festival Glastonbury 1971, il regarde ébahi et attend le générique de fin pour découvrir le chanteur : un certain Terry Reid.

Dès lors cela devient une obsession. Il fait des recherches, il trouve un lien sur Internet, envoie un message, comme une bouteille à la mer pour le rencontrer et lui proposer de jouer sur un morceau. On lui il répond qu’il vit dans le désert Californien, sans internet et on lui demande d’envoyer un CD. Il envoie une démo et après une attente interminable la personne répond qu’elle a aimé la chanson. Il vient en France. Il va le chercher à l’aéroport et sur la route Terry lui demande : « Mais qu’est-ce que vous avez en France avec Johnny Hallyday ? ».

C’est le producteur Antoine Delecroix qui va immortaliser cet instant. « Terry avait préparé les trois chansons qu’on devait faire et là il se met à chanter et on part dans un autre monde. On est transporté avec les plus grands Janis Joplin… ». Terry lui racontera des tas d’anecdotes dont une avec les Beach boys, sa tournée en première partie des Stones en 69, et comment Keith Richards et lui en pleine nuit sont partis manger italien. Le temps de monter dans une limousine, de rouler longtemps, une porte qui s’ouvre et le Concorde est là. Direction Rome, dégustation des pâtes puis retour aux States. Terry Reid est surtout celui qui aurait du être le chanteur de Led Zeppelin mais il refusa prétextant sa tournée avec les Stones. Néanmoins c’est lui qui présentera à Jimmy Page un autre chanteur aux cheveux longs Robert Plant

Avec Terry il y aura un EP, un concert à Londres...

Après le groupe reprend la vie normale mais l’essentiel, le désir, n’y est plus. Vient la lassitude. Fin du groupe Shine. « On s’est arrêtés, on en pouvait plus les uns des autres…« 

« J’avais besoin de rattraper quelque chose ou de fuir. Mes chansons me servent souvent à pousser des portes… Après la fin du groupe et un divorce, un vrai virage s’imposait. On va pas se mentir, j’étais au plus bas…il fallait se reprendre en main. Est-ce que je pouvais repartir seul ? Est-ce que je pouvais me réinventer ? » En 2014 Antoine Delecroix l’aide à faire son premier album en solo : Positive girls sous son nouveau nom de scène : Indolore. « Je voulais quelque chose d’apaisant, sans douleur... »

Pour le deuxième album direction l’Islande. « J’avais besoin de faire un disque où je ne connaissais personne, ni les gens, ni le pays. J’ai toujours été très admiratif de littérature islandaise. Je savais qu’ils étaient très créatifs sur le plan sonore. J’ai donc contacté un studio et c’était celui de Sigur Rós qui était au milieu de rien. On m’a proposé un ingénieur du son, un anglais, c’était un ange, Paul Evans et tout de suite ça a collé, idem pour le logement. »

« Je voulais repartir avec tout« …Pour ce rêve, hop un petit emprunt à la banque… « J’ai arrêté d’aller voir les maisons de disques, c’est trop épuisant. Je fais de la musique sérieusement pour m’exprimer, j’ai moins besoin de reconnaissance, et puis je ne veux plus être dans le désir des autres, je crée mes propres rêves sans attendre…. »

« C’était au mois de juillet, il faisait 15°, j’étais à Reykjavik,sur le port, j’ai sorti ma guitare c’était naturel et facile. Les gens s’arrêtaient, c’était génial. Puis est arrivé mon logeur en jeep. Il m’a emmené chez lui, au fond du jardin, une petite maison, genre Hobbit, j’étais aux anges, en plus le propriétaire était le clavier de Sigur Rós. Deux semaines de studio avec un challenge : jouer tous les instruments.« 

Puis l’année 2020 commence bizarrement, une passion triste mine ses terres sentimentales… »J’ai décidé de partir deux jours à Copenhague. Je tombe par hasard sur une expo Leonard Cohen. Une pièce, une chanson. C’est un souvenir hyper fort. C’est comme s’il me parlait et j’ai entendu : « La situation actuelle de ta vie est critique mais quelque part ça va bien se passer... ». Finalement l’année 2020 va réparer sa tristesse.

Le temps passe, le COVID passe par là, confinement à Mimizan. Et la création recommence. Naissance de nouvelles chansons comme I found a friend today : « Dans la forêt, voilà un chien qui se promène seul, je lance un bâton et il revient. On joue ensemble, je sais qu’il avait un numéro de téléphone sur son collier, je pouvais appeler les propriétaires mais je l’ai gardé le plus longtemps possible près de moi. Je me sentais bien. J’ai commencé à lui parler, un peu de tout… Bon finalement j’ai appelé les propriétaires, mais quand je vais revenir à Mimizan ça serait rigolo, j’aimerais bien lui faire écouter ce morceau.« 

C’est Antoine Delecroix, comme pour le premier album, qui s’est occupé de la production. L’album a été enregistré dans la cave dans la maison de Chopin. « Ce qui est incroyable c’est que j’étais déjà venu là pour des raisons professionnelles, mais je n’ai sans doute pas fait attention…Il y a dû y avoir des vibrations romantiques qui se sont glissées pendant l’enregistrement

Pour la photo de l’album c’est Fabrice de Battista, un ami d’enfance (membre du groupe Fontaine Wallace) qui l’a accompagné l’été dernier pour un tour de la mer Baltique en voiture. 12 pays traversés. Cette photo a été prise au Danemark au soleil couchant dans une ville qui s’appelle KOGE. Je regardais la mer et je me suis retourné. Instantané, comme un polaroïd, de mes sentiments…

Finalement on se dit que le premier album de Indolore aurait du s’appeler comme celui-ci After the rain. Celui-là aborde des cieux plus cléments, comme une réconciliation avec lui-même. Deux morceaux attirent plus l’attention : Naïve in love, qui rassemble, en un même morceau, tout le génie de Sade avec un saxophone à tomber par terre comme dans Jezebel, et les Daft punk pour un final de l’au-delà… »comme une chance, l’amour en substance... ».

Autre pépite Alicia Stone, héroïne tragique, inspirée encore une fois par un reportage, sur une chaîne YouTube. « Sur la page Invisible people un ancien SDF interroge face caméra des gens à la rue sur leurs vies. Il y avait une femme de 40-50 ans qui vivait à Venice Beach, qui est devenue SDF et qui vivait pratiquement en face de chez elle, de sa vie d’avant, elle avait pratiquement pas bougé de sa vie, je me suis inspiré de sa vie…« 

La vie comme elle va. Parfois devant ses enfants il se sent envahi par les larmes, juste le temps de se cacher…sensible, trop sensible. « Je voudrais que mes chansons pour mes enfants soient comme une poche arrière de leur jean, pour plus tard, où ils pourraient en fouillant dedans trouver du réconfort. Je voudrais qu’ils sachent que je serai toujours là quoi qu’il arrive…« .

Son signe du zodiaque c’est la balance. Ça tangue donc forcément dans un sens puis dans l’autre. « J’ai besoin d’avoir les pieds sur terre mais aussi de vivre des coups de folie… ».

Le dernier morceau de l’album s’appelle Dream on alors on se permet de rêver en dégustant un « Caprice des dieux » (son pêché mignon : nobody’s perfect) à la longue éclaircie, sans fin, après la pluie….

SZAMANKA