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IRIS, COMME UN OISEAU SUR LE FIL

Ah comme il est doux d’aller à la dérive. Et c’est à l’espace Croisière à Arles à la recherche d’un photomaton qu’auparavant il abritait en son sein, que nous avons été happé par un dessin. Curieux et désireux d’en savoir  davantage, nous avons gagné à quelques pas une galerie. Devant, sur une barrière une jeune femme à la silhouette gracile fumait une cigarette. Nous sommes entrés à la recherche de la fameuse Iris avant de nous apercevoir qu’elle était juste derrière nous. Sensation de luxe suprême puisque la rencontre s’effectuera au sous sol de la galerie dans son atelier. A même le sol, sur le carrelage, une gigantesque toile blanche. On pense avec euphorie au souvenir de ce plan dans le film Basquiat de Julian Schnabel, où l’acteur peignait en mouvement en tournant autour, devant l’immensité de la toile, comme une étrange danse. 

Iris, se tient devant nous et son corps longiligne nous fait penser à un oiseau frêle et délicat. Ce qui est saisissant c’est le contraste entre la puissance de son travail graphique, les grands formats étals sur des draps ou des pans de murs et son apparence délicate.

Iris qui a une petite trentaine, peint depuis deux ans seulement. Elle n’a pas fait d’études d’art, elle est autodidacte. Et pourtant son rapport au dessin et à la peinture vient de loin, de l’enfance, après un choc esthétique à six ans, la rétrospective de Niki de Saint Phalle à Nice. Elle s’est alors dit « si c’est ça être libre alors je fonce là-dedans ».

Elle a des parents passionnés par l’art, qui collectionnent. Son père peint. 

Iris n’a pas fait d’études d’art mais pour elle l’art c’est vraiment un moyen d’expression, c’est thérapeutique. Elle a mis longtemps à avoir la légitimité d’artiste. Elle dit que le fait d’être autodidacte lui donne aussi une grande liberté quant à sa création. Par exemple elle ne connaît pas les matériaux et s’autorise dons à peindre sur tous les supports qu’elle récupère : draps, rideaux… Elle aime qu’ils tombent, qu’ils soient hors-cadre. Elle fait aussi de la céramique mais nous n’en verrons pas parce qu’elle les garde à la maison, pour manger dedans. Une manière de mêler l’art et le quotidien, de ne pas dissocier les deux.

Elle nous raconte comment ça a commencé pour elle. Elle a posté il y a deux ans des dessins sur les réseaux sociaux. Ses amis en découvrant son travail l’ont encouragée. Lui ont dit de voir plus grand : « Ça a été une révolution » dit-elle. Elle a adoré ça. Cela lui a permis de dire énormément de choses, elle avait l’impression de mieux arriver à s’exprimer de cette manière. On lui pose alors la question de l’importance des mots parce qu’elle est entourée de livres et de carnets d’écriture. Au sujet des mots elle dit « parfois j’en ai, parfois j’en ai pas . Parfois c’est nécessaire, ce n’est pas forcément le titre de l’oeuvre. Ça me permet de communiquer directement avec les gens, avec la personne qui me regarde ».

Iris se nourrit de ses lectures, écrit et lit énormément. Beaucoup de lectures féministes « pour se construire ses propres libertés, estime que c’est très important en tant que femme d’avoir des référents sur lesquels s’appuyer ». 

Elle nous parle de l’écrivain Alain Damasio qu’elle aime beaucoup : La horde du contre-vent, La zone du dehors « ça a été une véritable révolution littéraire pour moi. Il joue avec les mots, les symboles, les ponctuations ». Il y a André Comte-Sponville, L’inconsolable qui compte beaucoup aussi. Parmi les artistes qui l’accompagnent en musique il y a Nina Simone, Patti Smith, Janis Joplin, Hanoni.

Originaire de la Drôme après le bac elle est partie de la maison, mûe par un besoin impérieux. Elle dit « qu’elle étouffait avec tous ces gens pareils, qu’elle voulait se nourrir avec la différence ». Et aussi « je fuyais clairement ce domicile qu’on m’avait assigné ».

Elle voulait se projeter seule dans une autre culture. Eprise de liberté New-York a comblé ses attentes, ses désirs tant elle a enfin rencontré de gens différents : homos, trans, drag-queens. Elle a été fascinée par ce partage, ces échanges, cette possibilité d’être ce qu’on souhaite dans cette très grande ville. Même si elle ne cache pas qu’elle pleurait en partant de l’aéroport, se demandant ce qu’elle était en train de faire. Elle se sentait en danger mais nous confie que c’était pour elle un acte de survie. Pour elle être artiste c’est ça aussi. Etre libre. Dit que la vocation d’artiste lui est tombée dessus. Elle nous dit aussi « c’est effrayant la liberté vous savez, c’est ce qui nous pousse souvent à ne pas la prendre ».

Iris nous dit clairement que c’est son père, homme féministe qu’il lui a appris la liberté. D’ailleurs elle nous raconte que son confinement il l’a passé sur son voilier, sur l’Atlantique. Elle nous confie aussi que « petite, elle avait l’impression d’être un super-héros, qu’il n’allait rien lui arriver, qu’encore maintenant elle a cette impression ». 

Bientôt elle va travailler avec des enfants autistes et nous dit qu’elle a hâte de voir comment ils vont l’aider par leur clairvoyance, leur façon de pas être dans la norme. Iris est vraiment une artiste singulière, éprise de liberté et, qui le temps d’une rencontre, nous insuffle ce souffle précieux. On lui souhaite des vents favorables et de poursuivre ses explorations qui la nourrissent et l’emmènent loin, comme en témoigne son travail profond et saisissant.

BRUNE et SZAMANKA

Contact Iris :

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