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CHRISTIAN QUERMALET – SWEET FREAK

« Je vais à la rencontre de ma propre image. Et en retour ma propre image vient à moi. Elle me caresse et m’embrasse comme si je rentrais de captivité. » 

Prière Mandéenne de la Liturgie des morts

C’est dimanche matin. Le ciel est immense et les nuages dessinent des formes abstraites. Un espace indéfini. Le jour et puis viendra la nuit. Sombre malgré quelques clartés ici et là. Notre ciel pop ressemblerait à ça. Fait d’espoirs, de souvenirs, de voyages en voiture qui n’en finissent pas, d’histoires d’amour perdues dans l’obscurité, et pour toujours une bande son sans fin pour accompagner nos vies. Christian Quermalet est le compagnon idéal pour ce genre de destination, imprécise, surprenante… 

Christian Quermalet voit le jour à Cherbourg en Normandie. La ville partiellement rasée renaîtra comme tant d’autres dans une architecture approximative. A la maison pas de grand frère pour faire écouter des disques. 

En 1973 son histoire musicale est en marche il a 6 ans. Sa mère, institutrice, pianiste amateur, en fait depuis une vingtaine d’années. Elle lui transmet « le truc ». Il prendra donc lui aussi des cours avec cette demoiselle, apprentissage d’une certaine tonalité musicale, d’une âme romantique, avec Chopin en tête. 

Aller dans le centre ville de Cherbourg et s’enfoncer dans un autre temps, une autre planète avec cette mademoiselle Pezet qui a 87 ans, et qui a éveillé en lui sa sensibilité. «Je ne pouvais pas soupçonner l’apport de son héritage, pour l’après, pour composer ». Cela a duré 9 ans, et puis surtout il se met à écouter autre chose que « Chip Chip » surnom donné par Georges Sand à Chopin

En 1982 il écoute Queen après avoir vu un clip vidéo à la télé, Supertramp. Mais c’est surtout lors de sa formation de moniteur de voile en 1983 qu’une fille l’introduit dans la musique d’à côté : Nina Hagen, les ClashSimple Minds.

Deuxième rencontre décisive, en 84, il étudie le dessin industriel. Il se retrouve dans un internat dans le sud de la manche, à Villedieu les poêles « Le seul bahut qui m’acceptait » à l’institution St Joseph.  « Les cours qui m’éclataient le plus, c’était la musique et l’anglais. Je rencontre alors un garçon pas comme les autres, petit pétard sur la tête, bomber, badges : Franck  Dorange. »

Off : Franck Dorange et Fuck : Christian Quermalet

Ils partagent plein de choses : « On écoutait les compilations de cassettes ».  Franck lui parle d’un groupe qui cherche un bassiste. L’un des membres d’un groupe Cherbourgeois, William, l’avait vu jouer de la basse à une fête de la musique. En 1985, il devient l’un des membres du groupe Les Tétines Noires. Première répétition en septembre 85, « C’est comme si j’avais rendez-vous depuis longtemps avec eux ». 

Groupe iconoclaste, dadaïste, bercé par les performances de son père Joël Hubaut, son fils Emmanuel, leader du groupe, inclassable par sa singularité, qui atterrira sur le label Boucherie production, en 1990, on ne sait comment. 

Les Tétines Noires : William, Emmanuel, Ch ristian

En attendant ce sont les répétitions dans un grenier, au nord-est du Cotentin à hurler, à faire le chien, à expérimenter des formes musicales et toutes sortes d’objets pouvant se transformer en instrument de musique. C’est aussi lui qui apportera la matière d’un morceau culte du groupe  O’Dogo. Avec Les Tétines Noires c’est aussi une grande amitié. A l’époque Christian vivait une désillusion amoureuse, Emmanuel et William furent très présents pour lui. En 2018 quand le groupe se reforme, ils l’inviteront pour une date parisienne. « Quand ils m’ont recontacté, j’avais l’impression de les avoir quitté 15 jours avant alors que ça faisait 15 ans… Ce sont de vrais copains et c’est beau. »

« J’ai jamais eu de batterie, j’ai appris en mettant un casque chez mon copain Franck Dorange. Je me débrouille le mieux je pense c’est avec la voix et la batterie. Mais bon je suis pas Robert Smith, ni le chanteur de Pavement…»

En 1987, le 29 octobre, sort au cinéma Les ailes du désir, prix de la mise en scène à Cannes. «C’était pour pouvoir montrer les humains que j’ai inventé les anges » disait Wim Wenders au critique de cinéma Serge Daney. En sortant de la projection de Les ailes du désir Christian décide de partir en Allemagne

En juillet 1988 avec l’argent du livret d’épargne alimenté régulièrement par sa grand-mère il part à Berlin avec sa copine. On lui disait : « Mais qu’est-ce que tu vas faire là-bas? ». Départ sac à dos, juste avec le guide du routard. « On est partis à l’aveuglette». Une « claque de découvrir la vie alternative underground berlinoise ».

« Au check point Charlie deux gendarmes français nous indiquent un squat. Hyper bien géré, avec l’électricité et l’eau chaude, hyper cosmopolite. Un immeuble sur huit étages, qui proposait des cinés et des concerts. On passait la nuit pour 3 marks (une misère) avec le petit déjeuner en plus, rien à voir avec les squats à Londres que je ferai plus tard » dit-il dans un fou rire…

Graf sur le mur de Berlin. 1988.

Sans le savoir ce voyage deviendra initiatique : « Je pense souvent à ça. S’il n’y avait pas eu cet épisode Berlinois mon rapport au monde aurait été différent. Cette dérive a intensifié mon désir de devenir artisteC’était vraiment très particulier cette vie coupée en deux : nous privilégiés dans un coin de Berlin-ouest. Tu montais au 3ème étage d’un bâtiment, entre deux murs d’un côté le no man’s land et de l’autre côté tu voyais pas les premier rangs des maisons qui étaient murés, les gens n’avaient pas le droit du vivre ici, mais on voyait du linge sécher. Ça fait drôle quand même. Tu te dis : toi tu es un espèce de branleur qui se la joue alternatif, alors que de l’autre côté du mur c’est l’enfer. »

Ce qui reste aussi de ce voyage, c’est aussi une carte postale de la gare centrale de Berlin ouest, « la gare d’arrivée quand tu venais de Paris », et qui deviendra la pochette du premier album. Un autre voyage de trois mois aussi en 1989, mais reparti un mois avant la chute du mur, moment historique…

A son retour, Christian passera quelques temps aux Beaux-Arts de Caen, puis partira à Nantes aussi pour les Beaux-Arts. Pour des raisons géographiques il se sépare des Tétines Noires. Pas de musique pendant deux ans. Désamour musical. Il stagne, il ne se passe rien… Il va quand même à des concerts. En 1991 dans un sous-sol de PMU, rue de Strasbourg, un jeune homme présente son premier album La fossette. Aurait-il pu imaginer ce soir là que sept ans plus tard ils travailleraient ensemble? Sur son album Remué, invité sur 3 morceaux (guitare, clavier) dans une grande maison en Bretagne? Dominique A non plus.

Ensuite il ira à Londres rejoindre une amoureuse. Là-bas des concerts de folie, il travaille dans des bars, devient photographe de plateau au Central Saint Martins College of Art and Design, qui est une des composantes de l’université des arts de Londres. Mais il y a toujours en lui ce gène musical. Il fallait bien choisir, entre la musique et l’art plastique, ça c’est fait naturellement : « Il me semblait que j’avais plus d’envie et plus de talent. »

Les morceaux naissent à Londres sur un petit poste cassette.

« J’ai tout d’abord envoyé ma cassette à un label anglais mais en tant que Français, on avait pas de bonne presse, pas de retour… »

Puis il l’envoie en France. En avril-mai 1993 le Label Rosebud, dirigé par Alan Gac (qu’il a créé à 17 ans) l’accueille. « J’ai sauté de joie quand j’ai reçu le courrier à Londres. Le même jour je recevais une carte postale de William des Tétines Noires qui étaient en tournée à St Petersbourg. » Les lignes de fuite, de vies, des constellations, un signe, un souvenir qui vient percuter un avenir.

Studio d’enregistrement à Rennes. Photo prise par Zoé Inch

Désormais il faut trouver un nom pour ce projet… Une nuit blanche à chercher… Il repense à The monk écrit par Matthew Gregory Lewis.  Et aussi à son amour pour Thelonious Monk. Marions les deux artistes et ça devient The Married Monk

Il rentre en France pour répéter tout l’été. Univers uniquement fictionnel, pas de protest song. Un personnage par morceau. « J’ai toujours eu une capacité d’observation, je regarde tout ».Il s’entoure de deux musiciens Philippe Lebruman et de Franck Dorange (son vieux copain). Naissance de There’s the rub.

« J’ai plus de références pour les films que pour les bouquins. »

Deuxième album en 1996, The Jim side enregistré austudio Le chalet près de bordeaux. Jim Waters est venu dans le Bordelais, trois semaines pour la prise de son et le mixage.

Ensuite il n’a plus trop de projets, il envoie une dizaine de lettres, à des managers, à des studios. Il se transforme en producteur, devient caméléon pour l’occasion. Il produit entre autres les premiers albums de Bertrand BetschSuperflu (groupe de Nicolas Falez, maintenant Fontaine Wallace) .

« L’univers de The Married Monk était un peu hors-norme, je pense que c’était par rapport à l’album The Jim side, un album assez acoustique qui a du séduire le label Lithium et Le village vert ».

Et puis impossible de ne pas parler de l’homme de l’ombre qu’il va devenir (un peu comme Robert Smith – le chanteur des Cure le sera le temps d’une courte tournée avec les Siouxsie and the Banshees). Il va accompagner Yann Tiersen sur différents disques et sur scène de 1998 à 2005. 

L’agent de Yann Tiersen le contacte en 1998il a besoin de quelqu’un pour l’accompagner sur scène. Il vient de sortir Le phare. Il le rencontre dans un bar à Paris :  « Tu fais ce que tu veux, batterie, basse… »

En juillet 1998 concert de chauffe à Vendôme, ça se passe bien. Deuxième concert La route du rock après Pj Harvey!!! Le rêve!!! Consécration avec la black session (Amazing, le journaliste musical Bernard Lenoir à qui la France doit beaucoup) au Théâtre National de Bretagne à Rennes. 

Autour de Yann Tiercent donc Christian QuermaletThe Married MonkClaire PichetBertrand Cantat de Noir désirChristian Olivier des Têtes raidesDominique AFrançoiz Breut,Neil Hannon de Divine Comedy!!! Concert unique et mythique le 2 décembre 1998.

Suite au concert, Yann Tiersen lui propose de faire avec The Married Monk et Olivier Mellano un album avec lui Tout est calme enregistré au studio Chalet,  sorti le 29 mars 1999. Leurs noms apparaitrons sur la pochette.

En 2000, The Married Monkse retrouve dans la B.O du film La verticale de l’été avec le titre Tell her, Tell her, aux côtés de LouReed et Arab Strap.

En 2001 c’est l’explosion, la déflagration Amélie Poulain pour Yann Tiersen. S’en suivra l’album L’absente, auquel Christian Quermalet participe et la grosse tournée dans la foulée…Il l’accompagnera jusqu’en 2005, notamment dans des concerts de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 2002, qui opposera Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. Grosse mobilisation contre le Front NationalConcerts dans les zéniths avec Yann TiersenNoir Désir, les Têtes RaidesDominique AThomas Fersen… Ils ouvriront deux fois pour Noir Désir

Le troisième album de The Married Monk c’est R/O/C/K/Y en 2001 enregistré chez Jim Waters en Arizona à Tucson pendant un mois (un tel projet paraît désormais impossible). Christian Quermalet quelques mois auparavant rencontre le chanteur de Calexico au New Morning où ils se produisaient. « J’ai joué mon fan, j’ai discuté un peu avec lui, j’ai eu une dédicace et c’est tout.

Affiche concert Tucson pendant l’enregistrement de R/O/C/K/Y

Pendant l’enregistrement« je dis à Jim que j’ai besoin d’un violoncelliste. Et lui me répond sérieusement – Pourquoi tu téléphones pas à Joey? Réponse de ChristianJoey? Réponse de Jim WatersJoey Burns le chanteur de Calexico. » Ce qui sera fait. Christian tout penaud : « on est un groupe Français, plus trop d’argent… ». Réponse de l’intéressé« C’est pas grave tu me payeras une pinte de bière. Il a passé 7 heures pour cet enregistrement, il voulait vraiment que ça nous plaise! On a fait des fêtes, découverts des lieux incroyables dans le Bario, quartier mexicain de Tucson. »

Quand on lui demande s’il aurait pu vivre ici « Je supporterais pas de vivre aux USA, pas assez européen. En Afrique du Sud ou en Islande oui. JimWaters et Joey Burns sont d’une certaine façon de l’école de Vienne, ils écoutent Arnold SchönbergAlan Berg, des compositeurs italiens, ils ont une culture étendue. »

Il y aura toujours une reconnaissance incontestée des médias spécialisés en France et en Europe pour The Married Monk et même aux Etats Unis. Reste une question en suspens. Comment se fait-il que le groupe ne soit pas plus connu, reconnu? Qu’il ne soit pas plus parti en tournée à l’étranger? Alors que Christian Quermalet  chante en anglais. C’est quand même lui qui emmènera en France Jim Waters, qui se distilleradans différentes productions françaises… Mystère et tralala… l’impression que les deux labels qui vont s’occuper d’eux, ne se sont jamais vraiment défoncés pour le groupe…Incompréhensible…Une distribution incohérente et peu de dates de concerts, alors que par exemple Londres ou Berlin sont à deux pas…

Viendra ensuite en 2004 The Belgian Kick.

En 2005 clap de fin avec Yann Tiersen. Une aventure de sept ans avec lui ce n’est pas rien.

En 2008 Elephant People et en 2018 : Headgearalienpoo

Dernier album avec son titre imprononçable. Quoi que, avec la traduction : Edgar Alan Poe tout devient plus clair. Sa pochette est un peu un ovni, des mules roses posées sur un coussin rose…

L’album commence très fort. Une intro phénoménale, rythme syncopé, synthé entêtant, le coeur s’emballe, ça remue avec le premier morceau Obnoxious one

Le groupe après 10 ans a retrouvé une joie ludique, créative, et juvénile. Et l’on se dit que si c’est ça avoir 54 ans tout va très bien. Le groupe est désormais composé de Christian Quermalet, du batteur Mitch Pirès (présent depuis 1997, il officie aussi dans une autre formation avec Bruit noiraccompagné du fantasque Pascal Bouazzi, ex-Mendelson), et du guitariste Tom Rocton.

Benoît Burello, Christian Quermalet, Tom Rocton et Mitch Pirès

J’en ai profité pour demander à Tom Rocton, de nous parler de sa relation avec le groupe. Car à l’écoute de l’album, on sent une profonde harmonie, qui permet d’explorer et de faire pour le coup le meilleur album de The Married Monk.  

« Ecoute je crois que c’est pas simple d’intégrer un groupe dont on est fan. J’ai été super content 30 seconde avant d’être mort de trouille. Enfin sur le papier c’était pas simple, mais au final avec Christian et Mitch ça s’est passé et ça se passe toujours hyper naturellement. 

C’est peut-être un coup de bol, mais c’est un super beau coup de bol. Qui tient à mon avis au fait qu’on est tous les trois préoccupés par une seule chose quand on bosse sur un morceau. 

En tirer le meilleur possible. Pas d’ego, pas de parasitage inutile. Il y a quelque chose d’extrêmement facile sur le versant artistique du groupe, un truc qui fait qu’on se comprend et que les choses se mettent en général très facilement en place. 

Ca vient sûrement d’une culture musicale commune, mais je crois aussi d’une sorte de complémentarité de conception et de caractère. On se complète bien et on se tempère dans le même temps. Pour la reprise de Leonard Cohen par exemple, avant même d’en parler, on avait une idée commune de la direction qu’on voulait prendre, une sorte de diagnostic de ce qu’on pouvait et voulait en faire. Après j’ai tendance à avoir un paquet d’idées à la seconde, Christian lui prend plus de recul du coup c’est dans cette espèce de dynamique à deux vitesses que les morceaux décantent. 

Avec Mitch au milieu qui joue le rôle du modérateur. Je pense aussi la musique de manière très « classique » ou plutôt très « académique » du fait de ma formation, quand Christian et Mitch sont souvent plus attachés aux textures, à l’aspect fréquentiel des choses. 

Ce ne sont pas nécessairement des rôles attribués, avec l’expérience du dernier album les lignes bougent plus, mais cette complémentarité fait qu’on a et qu’on peut tous apporter quelque chose sans jamais avoir à se marcher sur les baskets. C’est un mode de fonctionnement qui s’est imposé super naturellement quand on était en studio pour l’album. Rien que d’en parler j’ai d’ailleurs hâte d’y retourner en studio ! »

L’album Headgearalienpoo, cherche ici et là une forme adéquate à la folie qui nous entoure. Le monde ne va pas bien, mais allait-il mieux avant ?

Le cinéma est toujours présent dans son inspiration avec notamment Taxi blues de Pavel Longrine (1990, Prix de la mise en scèneau festival de Cannes) sur le dansant Obnoxious one. Clin d’oeil aux Cure…Tiens les Cure…En 1985 il part de Cherbourg pour Paris avec son ami Franck Dorange, direction Bercy. Il se souvient d’un concert mémorable, d’une  nuit dans un hôtel près de la gare St Lazare. Le lendemain sa mère au téléphone lui apprend qu’un hélicoptère a survolé Bercy, et le journaliste parle de «la marée noire». Le souvenir d’une jeune fille portant un survêtement arborant les couleurs du club de foot de Nantes. Jaune canari entouré de tant de noir.

Le groupe reprend aussi Siamese twins des Cure, tiré de l’album Pornography. « Une seule prise. On l’a écouté, puis déchiffré. Une prise musique, une prise de ma voix. Ce morceau est un tel monument. C’était comme grimper l’Everest par la face nord en tong. Garder cette fragilité…J’ai fait une deuxième prise de voix mais ça devenait scolaire. »

Il y a eu le mémorable concert au Café de la danse pour la sortie de l’album. Et puis il devait y avoir d’autres concerts. Et puis le confinement est arrivé… Un musicien lui a dit « Un musicien confiné c’est la  possibilité de travailler tout le temps…Moi les trois premières semaines j’arrivais pas à travailler, j’étais bloqué. L’angoisse de ne pas savoir ce qui allait se passer… ».

Finalement des morceaux pour un nouvel album ont vu le jour, une reprise pour un projet autour de Leonard Cohen « Famous blue raincoat » et deux dates prévues dans le sud-ouest de la France : Le vendredi 30 octobre au 180, lieu géré par l’incroyable Eric Ginhac à Sainte-Bazeille et le lendemain à Arthez de Béarn au Pinguoin alternatif, le samedi 31 octobre 2020, lieu tenu par le fantastique Matthieu Turon à l’énergie débordante, qui fait vivre la musique comme un acte de résistance en milieu rural. Un certain Michka Assayas est même venu avec malice observer le phénomène.

Avant de se quitter je dis à Christian mon admiration pour ce titre qui pourrait synthétiser une idée, une sensation de The Married Monk : le morceau Roma Amor sur l’album R/O/C/K/Y « Un jour, je suis tombé sur un ouvrage de Pier Paolo Pasolini. C’était Écrits Corsaires si j’ai bonne mémoire. Dans la préface, on pouvait lire une description très crue de son cadavre, retrouvé sur la plage d’Ostia. Je me suis fait, en toute humilité, mon petit scénario à moi… Les dernières heures de Pasolini. »

Je repense alors à l’exposition de Ernest Pignon-Ernest vue au Palais des Papes à Avignon, fin février juste avant notre internement collectif, et des changements radicaux qui allaient en découler. Notamment la peinture où Pier Paolo Pasolini tient son propre corps inerte dans ses bras, comme une Pietà.

Il y a quelque chose de l’univers de Paris Texas, un autre film de Wim Wenders dans ce morceau Roma Amor

La capacité hypnotique de Christian Quermalet à nous faire voyager, nous voyageurs immobiles. Il nous conte des histoires, des petites nouvelles et je ne peux m’empêcher de vous faire profiter de son talent littéraire. Mais trop humble et pudique il esquissera juste un sourire désolé. 

Christian Quermalet fait pourtant partie des artistes les plus passionnants car il entrevoie la musique comme une forme plastique, la malaxant sans cesse. La pop française a encore de beaux jours devant elle.

ROMA AMOR

We met in a bar Nothing special so far Until the moment they suggested a drive to the coast Minutes later we hit the road The guy who was driving was fat and dressed in black

And all of a sudden he blew his top

When I told him he was driving too fast

I kept quiet for a while

Then I said:

“I know of a dive further west

Let’s go and I pay my round”

But no answer was to be heard

And then they stopped the car

Got me out without a word

Got me to undress

Laid me down on the sand and pissed all over my body

Insulting me the hardest way

I seemed to be attracting them the very same way

Blood attracts sharks and pitbull terriers

Boys you’ve been after me

Yes you’ve been tracing me

And now you’ve captured me

What a pleasure it must be

But before you stab your prey

Before I pass away

Be sure that I lived for this

And this is my gift

“We’re gonna make you eat your balls

We’re gonna get rid of you

So shove your bloody dignity aside

And prepare yourself for dying like a dog”

One barked

So I had a thought for my family

Remembered my first lover

Understood I’d never see the sun setting on this Roman

Beach

And felt the cold blade of a flick-knife

Penetrating me

Boys you’ve been after me

Yes you’ve been tracing me

And now you’ve captured me

What a pleasure it must be

But before you stab your prey

Before I pass away

Be sure that I lived for this

And this is my gift.

SZAMANKA