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JEROME SEVRETTE – LA RENAISSANCE

Avec Jérôme Sevrette, pendant le confinement, nous avions évoqué son passé de photographe de concert mais aussi de portraitiste. Et le résultat de son travail était très fort, pas mièvre. Il intensifiait la réalité. Manque de réseau, provincial, il ne trouvait pas sa place dans ce milieu, même si en 20 ans de pratique, il a eu des moments de grâce, et une certaine reconnaissance, méritée, pour avoir su saisir Iggy pop, Thurston Moore le chanteur de Sonic Youth, Miossec ou dernièrement pour la pochette du dernier album de Jean-Louis Bergère.

Iggy pop par Jérôme Sevrette

Ne pas oublier non plus que le chanteur de And Also The Trees, Simon Jones l’avait contacté pour qu’une de ses photos fasse la pochette d’un album…et enfin la consécration avec les portraits du regretté Christophe publiés dans des journaux nationaux lors de sa disparition.

Miossec par Jérôme Sevrette

Désabusé, il y avait de quoi, ne trouvant plus de sens dans cet espace étriqué, une rupture s’est faite. Et ce en deux actes. Tout d’abord à La route du Rock, dans la fosse, au concert de Pj Harvey avec 40 photographes dans 2 m2  à faire la même photo. Il se dit : « Je sers à quoi? On sert à quoi? ». Il quitte alors la fosse, ses collègues lui disent de revenir. Rien n’y fait. Il n’a pas besoin d’être Breton pour être têtu ou obstiné, puisqu’il est Sarthois, comme l’immense Bruno Lochet, l’une des stars des Deschiens

Deuxième acte lors du festival Lévitation à Angers. Refoulé du festival par l’espace presse, pour une histoire de mail non reçu. Il est obligé de faire des pieds et des mains, d’attendre deux heures, de patienter autour de quelques bières avec son ami Olivier, pour finalement rentrer. Au bout de 20 ans dans le milieu c’est dur. Finalement : « Je suis rentré mais ras le bol ».

C’est alors que le drone, ce jouet, ce gadget, ce modélisme de loisir devient un objet professionnel qui embarque un appareil photo. 

Album Life in a day de Simple Minds

C’est peut-être le souvenir de la pochette de l’album de Simple Minds Life in a day, sorti en avril 1979, rapporté par son frère dans la maison familiale, qui pourrait l’avoir inconsciemment emmené sur ce chemin. 

Tout d’abord il s’empare du drone pour des raisons professionnelles puisqu’il a des missions pour la région et le département et puis un jour :

« J’ai commencé à voir des formes étranges, intrigantes et arrivé chez moi lors du post traitement j’ai vu qu’il y avait quelque chose à faire. Comme l’intégrer à ma création. C’est un outil supplémentaire que j’ai ajouté à ma palette, comme mon Reflex ou mon Polaroïd. Pas une révolution mais l’ajout d’un outil. Et le travail exposé à la Tour Bidouane englobe mes deux ans de pratique. » Il se souvient aussi sûrement qu’à l’origine, ses premiers pas dans ce monde artistique, il photographiait des plaines, des lieux vides, des squats, des demeures à l’abandon où il n’y avait aucune présence humaine

Et enfin la joie est revenue. Quelque chose de ludique. Le plaisir de jouer, puisqu’avec cette exposition Abstraction terrestre il nous perd dans cette déambulation. Par exemple pour la piscine d’eau de mer, sur la plage du bon secours près des remparts de Saint-Malo ( Voir affiche de l’expo ) : «Je ne voulais pas que ça ressemble à une piscine d’eau de mer, surtout ceux qui connaissent. Je voulais que ça reste un mystère. Lors de l’inauguration, un couple m’a dit  – On dirait un réservoir dans le désert. Ils se demandaient vraiment ce que c’était. Je jubilais. Et surtout j’avais réussi à concrétiser mon intuition. C’est pour cette raison que cette exposition se nomme abstraction terrestre. Il n’y  pas de montage, pas de trucage. Je travaille juste les contrastes et les lumières. La magie est déjà dans les lieux existants. »

Ce qui l’intéresse c’est le ressenti, les sensations. Devant certaines  photos, on se croirait revenu en classe de 3ème à observer des cellules au microscope ou dans un musée à Barcelone à redécouvrir un tableau de Miro…Oubliez ce que vous croyez connaître ou percevoir et laissez-vous absorber par cette poésie visuelle déconcertante. Exposer dans ce bel  et spacieux endroit – la Tour Bidouane à Saint-Malo, jusqu’au dimanche 27 septembre (sur trois étages – 42 photos) est une manière de consécration et rend enfin justice au travail de Jérôme Sevrette

SZAMANKA